* Il est ici question du système judiciaire français (de France).
En tant que victime de violences conjugales, j’ai constaté de grosses problématiques dans notre société. Je souhaite transformer, utiliser mon expérience pour aider d’autres victimes, alerter et dénoncer le système, pousser à une prise de conscience sur ce que nous devons changer. J’ai donc décidé d’écrire cet article ou je vais vous dépeindre le parcours du combattant qui est celui d’une victime de violences conjugales et surtout du viol conjugal sous l’angle judiciaire principalement.
Notre système judiciaire est à l’image de notre société : c’est-à-dire patriarcal, archaïque avec une absence de prise en considération des victimes qui fait froid dans le dos.
Quelques rappels important : les violences conjugales prennent de multiples formes, elle peut être : économique, verbale, psychologique, physique et/ou sexuelle… elle n’est pas toujours visible quel qu’en soit la forme qu’elle prend ! Les violences sont caractérisées de conjugales lorsqu’elles sont perpétrées par un conjoint ou un ex-conjoint que ce soit dans le cadre d’un mariage, d’un pacs (pacte civil de solidarité) ou d’un concubinage simple.
La violence subis par les victimes ne s’arrêtent pas le jour où elles quittent leur bourreau, ni le jour où elles portent plaintes. C’est une violence globales, psychologique et/ou physique, économique, sociale auquel doit faire face la victime, plus de 50% d’entre elles déclarent que les violences subis ont eu des conséquences dans leur vie au quotidien y compris professionnelle ce chiffre est revue à la hausse (plus de 60%) dans les cas de viols. « 86% d’entre elles expriment ressentir de la peur, de l’angoisse, du stress, 41% une perte d’estime de soi et 6% des pensées suicidaires. » selon la lettre de l’observatoire national des violences faites aux femmes N°8 de novembre 2015.
La première difficulté concerne la plainte : en effet seul 14% des femmes victimes de violences conjugales, 10% des victimes de viol ou tentative de viol, porte plainte.
Donc quelques éléments de réponses pour ceux qui se demandent pourquoi si peu de plaintes : le manque de formation des agents de police ou gendarmes ainsi que la culture du viol qui règne particulièrement dans ces milieux-là, les témoignages ne manquent pas sur l’absence ou manque d’empathie, ni sur les réflexions déplacées de ses hommes et femmes chargées de recueillir la plainte de la victime, ni sur les lieux ; il est juste difficile de verbaliser les violences subies. Les agents ne sont que trop rarement formés, c’est une formation dispensée sur la base du volontariat, les magistrats ne sont pas mieux formés certains ne sont même pas au courant de certaines procédures tel que la mesure d’éloignement ou du téléphone d’urgence, des mesures trop peu utilisées et développées pour qu’elles soient efficaces. Le système se permet de filtrer les plaintes pour violences conjugales, en faisant pression ou redirigeant simplement la victime sur une main courante ou en requalifiant les faits souvent en agressions sexuelles au lieu de viol. Donc quand on est victimes de violences/viols conjugales et que l’on décide de porter plainte on doit affronter déjà tout ça, ou on renonce parce que ça ne vaut pas le coup…
En effet, sur les 10% de plaintes pour viols conjugales 90% sont classés sans suite et seul 2% des auteurs poursuivis sont sanctionnés, en ce qui concerne les violences psychologiques sous la forme de harcèlement Delphine Driguez, avocate et membre de l’association avocats femmes et violences, estime que sur 30 dossiers qu’elle traite par ans 2 aboutissent. Ceux sont des formes de violences trop peu combattues sous couvert d’ignorance mais surtout du fameux « devoir conjugal » utilisée pour justifier ou nier ces violences même aux plus hautes instances de l’appareil judiciaire :
exemple de ce juge de Nanterre qui le 31 Mai 2017 en pleine audience dans un cas de violences conjugales , menace de mort prononcée par l’époux à l’encontre de son épouse, a reproché, suivant ainsi la défense de l’accusé, à la victime de ne pas avoir « honoré son devoir conjugal ».
Le système actuel ne nous encourage pas (en dehors de quelques campagnes publicitaires, financé par l’état, et d’une hypocrisie achevé) à porter plainte et cela demande beaucoup de courage. Seule la victime peut savoir ce qui est le mieux pour elle et nous devons uniquement la soutenir et l’accompagner dans sa décision !

Car porter plainte c’est aussi rendre l’acte présent alors même qu’une seule volonté une fois quitter l’homme violent et de tourner la page, se reconstruire pour commencer une nouvelle vie, hors les procédures sont longues, c’est aussi rendre la chose publique et on est alors une victime aux yeux d’autrui.
En effet une fois que l’on a décidé puis porter plainte on attend sans savoir où elle en est, craignant parfois la réaction de notre bourreau, mais aussi celui de son entourage. Ainsi l’entourage proche de l’agresseur peut pour le défendre utiliser les pires calomnies, une violences psychologiques supplémentaires (menaces, insultes, harcèlement), ils peuvent l’accuser de mentir surveillant ses moindre fait et geste … toute action qui ne rentre pas dans la représentation que l’on se fait d’une victime devient une preuve à charge. Les victimes doivent également faire face aux négationnistes par affinité, ceux qui diront : « je le connais il est pas comme ça », « je vous connais tous les deux je veux pas me mêler de vos histoires » ou pour ce qui est du viol conjugal : « un homme ne peut pas violer sa femme ça n’existe pas ».
Toutes les personnes qui accusent les victimes de violences conjugales manquent très certainement d’empathie et d’un minimum d’information sur le fonctionnement du cercle de la violence. Ces gens n’ont visiblement pas conscience de la portée violente de leurs propos et de leurs conséquences.
On se retrouve donc avec toute cette violence à gérer, les souvenirs (80% des victimes de viols conjugales souffrent de stress post-traumatique) et cette chaîne qui nous empêche d’avancer comme on le voudrait est une pression constante, un état de stress quotidien avec son impact (irritabilité, problèmes de santé), une conséquence indirecte des violences subies mais qu’on ne peut imputer juridiquement, scientifiquement aux violences conjugales.
La plainte déposée doit circuler entre le commissariat ou la gendarmerie et le procureur/ tribunal qui décide de la classer sans suite ou de poursuivre/ l’instruire. Malheureusement elle se perd souvent et n’arrive même pas jusqu’au tribunal comme si les faits dénoncés n’étaient sans aucunes gravités c’est souvent après plusieurs relances et donc de nombreux mois que l’on reçoit des nouvelles de la plainte, on est alors submergé par l’incompréhension, la colère, un sentiment d’injustice :
faut-il un féminicide (une femme tous les trois jours est assassinée par son conjoint ou ex-conjoint en France) pour que la justice considère le cas comme grave ?
De quoi éveiller chez certain-es l’envie de rendre justice soit même pour d’autres d’abandonner purement et simplement, on se sent seule et ce manque de considération, cette négation de notre souffrance, de ce qu’on a vécu même lorsque l’on n’attend rien qu’un « classé sans suite » est une souffrance, une violence supplémentaire à encaisser. Par ailleurs même une fois instruite la majorité des plaintes pour viol sont requalifiées, par le juge d’instruction ou par l’avocat de la victime, en agressions sexuelles pour ainsi éviter les assises et renvoyer l’affaire en correctionnel (c’est-à-dire que l’on passe d’un acte pénal à un acte correctionnel autrement dit on dépénalise !).
Hiérarchiser la gravité des actes peut sembler logique et utile; entre un vol de sac à main et un meurtre cela semble même évident, mais hiérarchiser deux cas de violences conjugales, dans notre cas, est dangereux ; en effet les arguments et facteurs mis en avant sont : la présence d’enfant et la menace urgente et vitale qu’encoure la victime sous excuse le manque de moyen. Hors cette catégorisation ne prends pas en compte la violence contextuelle ni celles indirectes évoquées tout au long de cet article, ni l’absence ou présence de soutien, de l’entourage de la victime, ainsi on devrait à mon sens ajouter dans les chiffres du féminicide directe toutes celles qui se donnent la mort car pas ou mal prise en charge /suivis/entourées, victimes des violences indirectes de leur conjoint ou ex conjoint, du système qui les laissent se débrouiller par leur propre moyen et d’une société patriarcale qui juge, incrimine, culpabilise les femmes ou préfère plus simplement encore fermer les yeux pour ne se réveiller devant les journalistes qu’après la mort de la victime pour dire qu’il n’avait rien vu venir ou que ça ne l’étonne pas tant que ça a bien y réfléchir !
Sources :
- Lettre de l’observatoire nationale des violences faites aux femmes N°8 novembre 2015
- Le monde 25 novembre 2016
- LCL 3 juin 2017
- Stop-violences-femmes.gouv
- MIPROF : intervention de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains
- Sos femmes 13
- L’association avocats femmes et violences
- Le groupe F
Je m’appelle Gaelle j’ai 28 ans, actuellement en recherche d’emploi, je me suis mise en couple en 2009 avec l’homme qui sera violent avec moi, la séparation a eu lieu en 2016, j’ai porté plainte en 2017 contre lui et je suis toujours dans l’attente du divorce et de la décision du procureur concernant ma plainte. J’ai décidé de transformer mon expérience pour aider d’autres victimes, en écrivant des articles, en m’appuyant sur des témoignages, sur mon propres vécu tout en croisant cela avec des études.