L’érotisme de la débandade, par Carabosse

4c242c062d81250c5649ea3efb2429dcRéflexions sur la non-performance dans l‘amour hétérosexuel

Me faire engueuler parce qu’elle devenait toute molle alors qu’on était l’un contre l’autre.

Et oui, c’est ce que j’ai vécu avec mon ex. Pour lui, comme pour beaucoup d’autres hommes, quand l’érection retombe pendant un rapport intime, c’est la faute de la partenaire, qui ne caresse pas assez bien, qui n’est pas assez érotique, ne s’y prend pas bien, etc.

J‘en étais presque arrivée à m’excuser quand son sexe se ramollissait entre mes doigts, le comble…

Et puis j‘ai découvert avec mon partenaire actuel l’érotisme de la débandade.

imageLa première fois que j’ai senti son sexe se ramollir pendant un câlin pourtant très intense, j‘étais sidérée. Qu‘est-ce que j’avais donc fait de maladroit pour qu’il perde son érection? Pourquoi son pénis devenait-il tout d’un coup tout mou alors qu’on était en pleine excitation?  Il a ri de mon interrogation, et a continué de me caresser, m’a fait jouir avec ses doigts, et a rebandé au bout d’un moment, tout frétillant et tout content de lui, il m’a déclaré: « tu vois je suis changeant ». Ce jour-là, et beaucoup d’autres par la suite on a terminé notre câlin sans pénétration, et je me suis aperçue au bout d‘un moment que lorsqu’il en parlait, il disait « faire l‘amour » quand on s’était caressé intimement mais sans pénétration, et que j’avais joui de ses doigts sur mon clitoris mais lui pas forcément. C’était donc ça, pour lui, « faire l‘amour »? Je n’en revenais pas.

Non il n’est pas impuissant, loin s’en faut. On s’embrasse souvent debout, dehors, dedans, en public ou ailleurs et il bande très rapidement. Il me le fait sentir  et j’aime bien sentir son sexe qui durcit à travers ses vêtements. Ce plaisir est partagé. Quand on est dans l’intimité il a plusieurs fois des érections, qui alternent avec des phases de mollesse sans incidence sur son activité ‘câlineuse’. Il m’embrasse et me caresse avec le même entrain qu’il bande ou pas. J’en fait autant, avec des gestes de tendresse diversement orientés sur son sexe.

C’est vrai que caresser un pénis tout mou ne tombe pas toujours sous le sens, puisque j’étais habituée et conditionnée à ce qu’un homme ne désire de tendresse que lorsqu’il est en érection, et que s’il ne l’est pas quand je commence à le toucher cela ne saurait tarder. Et que si cela tarde c’est que je m’y prends mal.

qa54cmzdAvec lui, j’ai dû apprendre à caresser un pénis mou et qui le reste et dont le propriétaire est très satisfait de la situation. Quand l’érection survient nous en profitons tous les deux, les caresses lui plaisent, il peut être dans un redoutable état d’excitation sans vouloir de pénétration et jouir entre mes mains. Ou pas. L’érection retombe et renait plusieurs fois, quelques fois avec pénétration, le plus souvent sans. Je suis toujours la première à jouir, et souvent la seule.

La sexualité est devenue un paradis.

Les hommes comme lui sont-ils rares? Je n’en sais rien. Toujours est-il que dans le langage courant on parle de « panne » quand un homme débande. La sexualité est définie par rapport à la performance supposée de l’organe masculin. L’interaction sexuelle est définie par la suite chronologique entre érection, pénétration, éjaculation, et pfffuit! C’est fini. Cette vision fonctionnaliste de la génitalité domine les discours et les représentations de la sexualité, pas seulement dans la pornographie.

01b0a0c3Un pénis peut bander et débander pour cinquante raisons, et cela n’a que des avantages: le plaisir continue plus longtemps, l‘homme attentif à diverses formes de plaisir ne se focalise pas tant sur la génitalité et apprécie toutes sortes de caresses et de gestes de tendresse. Donner et recevoir sont mieux partagé. En tant que partenaire je ne redoute pas qu’il « aille trop vite » comme c‘est le cas pour beaucoup de femmes, dont le vagin, surtout après 40 ans, ne se lubrifie pas si vite, et dont les partenaires ne conçoivent pas une minute de bander sans pénétrer.

Mais tout cela est compliqué: les hommes ressentent très fort la pression d’avoir une sexualité performante en partie parce que ce sont les femmes qui l’attendent. Les femmes sont les premières à considérer l’érection et l’éjaculation comme des performances. Et à mépriser et redouter la débandade comme un dysfonctionnement.

En fait, je crois devoir à ma conscience féministe et mes années de réflexion et de lectures sur la sexualité de pouvoir me considérer comme chanceuse d’avoir un partenaire érotique si « changeant » comme il dit, et si capable de vivre une sexualité libre de toute pression à la performance.  Beaucoup de femmes et d’hommes restent englué.e.s dans une culture de la performance qui pollue leur sexualité.

La débandade est tellement érotique! Ne mettez pas vo(tre)s partenaire(s) sous pression, ne vous mettez pas sous pression, appréciez le changement, la mollesse et la douceur. Câlinez-vous dans tous les états.

Bisous
(Carabosse est un pseudonyme pour protéger son anonymat et celui de son extraordinaire partenaire)


unnamedCarabosse est une militante pour les droits des femmes : droits du travail dans l’industrie textile, protection de l’intégrité physique et morale des femmes contre les abus sexuels et les trafics, contre les mutilations génitales, les mariages d’enfants, les lapidations et les attaques à l’acide, contre l’accès inégal à la propriété terrienne.

Une réflexion sur “L’érotisme de la débandade, par Carabosse

  1. La première fois que ça m’est arrivé, une débandade, je capotais! Mais ma blonde, à l’époque, a été géniale : non seulement elle ne m’a rien dit de négatif, mais en plus, je pense que ça faisait son affaire! C’était la première fois elle et moi ensemble et je pense qu’elle n’était pas encore totalement certaine… Pour me « justifier » (!?!?), j’ai cherché un condom pendant un bon bout de temps et quand j’ai fini pas le trouvé, dans la commode, en-dessous de plein de dessous féminins, j’ai eu de la difficulté à ouvrir la boîte et de la difficulté à ouvrir l’enveloppe. Entre temps, mon glorieux pénis s’était fait tout petit et il ne voulait pas retrouver sa rigidité! Moi, je capotais! Ma blonde, ma belle Isabelle d’amour, trouvait ça juste normal, pas grave… Moi : plus capable de bander!!!! Nous avons remis ça au lendemain et tout s’est bien déroulé. Depuis ce temps, je remercie mon Isabelle, même si c’est une ex un peu lointaine, de m’avoir aider à apprendre à me dire que ce n’était pas grave. Merci Isabelle : tu as été tout simplement géniale pour un pauvre gars qui ne savait plus quoi faire de sa « bite molle »!

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